La notion de pyramide inversée se compose de deux termes
qui parlent d'eux-mêmes :
- Pyramide induit une organisation hiérarchique
des informations, qui s'enchaînent entre elles de
manière fluide et logique.
- Inversée suppose que la partie la plus large du
triangle pyramidal se trouve en haut et la plus étroite en
bas. Autrement dit, que le générique
précède le spécifique.
Appliquée à la création de contenus, la
pyramide inversée donne à voir en premier lieu
l'essentiel du propos. Celui-ci est ensuite développé
du général vers le particulier et de l'essentiel vers
l'accessoire.
- La pyramide inversée : du général au
particulier, de l'essentiel à l'accessoire
-
Lorsque l'on rédige en pyramide inversée, les
informations sont développées par ordre d'importance
décroissante. Au tout début de l'article, elles sont
résumées par un chapô.
La pyramide inversée se révèle donc l'exact
opposé du principe qui veut que l'on garde le meilleur pour
la fin. Elle évite de mettre le lecteur en bouche en lui
donnant des détails de ci et de là avant de le
rassasier d'un coup, à la fin. Approche anglo-saxonne, elle
se distingue aussi du classique
thèse-antithèse-synthèse et de l'approche
latine, racontant des histoires. Renversant, non ?
Cette technique est notamment appréciée par les
agences de presse. Les dépêches qu'elles publient, par
exemple dans le cas de l'annonce d'un décès, d'une
catastrophe ou d'une nouvelle loi doivent être vite
appréhendées. Pour y parvenir, il convient de
hiérarchiser l'information pour éclairer tôt le
lecteur avec l'essentiel. Quitte à ce qu'il poursuive s'il
veut en savoir plus...
Sur Internet, la pyramide inversée s'impose davantage
encore. En effet, le lecteur en ligne ne s'attarde pas sur
les pages web. La plupart du temps, il les survole en à
peine 1 minute. Les yeux fatigués par l'écran, il
s'arrête dès qu'il a compris ou estime en savoir
assez. Autant donc éviter qu'il fuie sans avoir saisi la
teneur du message.
- EADS fait trop patienter son lecteur dans cette page pour
espérer le conserver
- Loupe pour zoomer sur l'image
-
Dans ce texte sur la gouvernance d'entreprise d'une entreprise
du CAC 40, il faut attendre la 10ème ligne pour entrer
véritablement dans le cœur du sujet (organisation et
fonctionnement du management) Rares sont les internautes qui auront
la patience de le faire…
Vu sur le site EADS (Mars 2009).
Ecrire en pyramide inversée suppose de miser sur des
méthodes consistantes, quel que soit le niveau de
granularité auquel on se situe.
1. La pyramide inversée : comment la mettre en
œuvre ?
Très structurée, l'écriture en pyramide
inversée capitalise sur des méthodes rigoureuses.
1.1 Lister et classer, avant de rédiger
Symbole de modernité par excellence, l'écriture en
ligne gagne pourtant à emprunter les techniques de la bonne
vieille rhétorique latine. Selon Cicéron & ses
acolytes, la rédaction passe par trois phases :
- Inventio : on liste toutes les informations dont on
dispose sur un sujet donné
- Dispositio : on met en ordre ses idées, on les
organise et hiérarchise
- Elocutio : on passe à la conception proprement
dite
La phase de hiérarchisation est particulièrement
structurante. Une fois le recensement terminé, elle permet
ainsi de répondre à la question suivante : s'il n'y
avait qu'une seule donnée à transmettre, qu'elle
serait-elle ? Autrement dit, par quelle info s'agit-il de commencer
?
Identifier l'information-clé suppose de se placer dans la
peau de l'utilisateur en se demandant :
- quel bénéfice peut-il tirer du contenu
proposé ?
Si l'on imagine le lancement d'une offre par un
équipementier sportif, que l'on nommera RollerMe,
et sa communication, articulée autour de 7
messages-clés :
- RollerMe et n°1 Sport s'associent pour le
meilleur
- Offrez deux cadeaux plutôt qu'un à votre
enfant
- RollerMe est leader sur le marché des rollers en
ligne
- Pour toute paire de rollers achetée chez n°1
Sport, RollerMe vous offre des coudières. Economique
!
- Offre valable du 1er au 30 décembre
- C'est bientôt Noël : pensez à
gâter vos enfants !
- La sécurité à rollers, c'est
essentiel !
La phase de classement, visant à identifier
l'information-clé, permettra de déterminer qu'il faut
commencer le texte par le message 4. Pour toute paire de
rollers achetée chez n°1 Sport, RollerMe vous offre des
coudières. Point d'entrée idéal, celui-ci
est la plus à même de susciter l'intérêt
du lecteur puisqu'il valorise le
bénéfice-consommateur.
Démarrer un contenu par ce qui implique l'internaute au
premier chef, c'est miser sur le principe journalistique
appelé loi de proximité. Plus les contenus sont
proches de l'utilisateur (dans le temps, dans l'espace, de son
affect), plus ils lui donnent envie de les parcourir. Par exemple,
on débutera plutôt par La nouvelle loi sur le
téléchargement suspendra les internautes
récidivistes, qui joue sur la peur, que par Pour limiter le
téléchargement illégal, en essor
constant...
1.2 Répondre aux questions-clés
d'emblée... Dans un chapô, par exemple
On l'a vu : sur le web, on a tout intérêt à
ne pas entretenir le suspense. Et à fournir toutes les
clés dès les premières lignes. Pour un article
de fond par exemple, l'idéal consiste à
répondre dans le début du texte à 4 questions.
Il s'agit des fameuses "4 W" :
- What : de quoi s'agit-il ?
- Who : de qui s'agit-il ?
- When : quand cela est-il arrivé / a-t-il
commencé / va-t-il commencer ?
- Where : où l'événement s'est-il
produit / va-t-il se produire ?
Par exemple, dans cette phrase introduisant une offre
commerciale :
Du 1er au 30 décembre, RollerMe vous offre des
coudières pour chaque paire de rollers achetée chez
n°1 Sport.
- vous offre des coudières pour chaque paire de
rollers répond à la question W hat ?
- RollerMe répond à la question W ho
?
- Du 1er au 30 décembre répond à la
question W hen ?
- achetée chez n°1 Sport répond aux
questions W here ?
Si l'opération le séduit, le lecteur peut
décider de poursuivre sa lecture, pour en savoir plus sur la
marque ou mieux comprendre l'intérêt des
coudières. Si elle ne l'intéresse pas, il peut
s'arrêter là... Mais au moins, le rédacteur
n'aura pas le regret d'être passé à
côté d'un client potentiel.
Toujours lorsque l'on rédige des contenus, on gagne
à regrouper les informations-clés dans un
chapô. Lu en entier par la quasi totalité des
internautes selon plusieurs études de suivi du regard, il
n'introduit pas l'article mais le résume. Factuel, il
s'appuie sur des données concrètes et fournit
déjà des réponses.
1.3 Poursuivre par le secondaire, finir par l'accessoire
Une fois l'essentiel dit dans les premières lignes, les
paragraphes qui suivent le chapô ou le début d'une
page peuvent servir à répondre aux questions :
Pourquoi ? Comment ? Souvent complexes, ces informations
nécessitent d'être développées plus
longuement.
Par exemple, dans ce passage précisant les
modalités d'une offre commerciale :
C'est bientôt Noël ! A cette occasion, RollerMe
et n°1 Sport s'associent pour le meilleur et vous permettent
:
- de gâter vos enfants avec deux cadeaux plutôt
qu'un
- de vous assurer qu'ils seront en sécurité sur
leurs rollers
En commandant une paire RollerMe sur n°1sport.com, vous
recevrez une paire de coudières renforcées. Les deux
articles vous seront transmis dans un délai de 15 jours par
la poste.
Le texte répond à la question pourquoi dans les
premières lignes (c'est bientôt Noël... rollers)
et explicite ensuite le fonctionnement, le "comment" de
l'opération.
Terminer un contenu ne consiste pas à livrer une
information capitale, pour s'en servir de chute habile. Les
dernières lignes d'un texte doivent être
utilisées pour livrer les éléments de
"background", inviter à l'action ou proposer des sources
complémentaires. Ceux dont le lecteur lambda pourrait se
passer allégrement... Mais qui contenteront le curieux.
Par exemple, une fois les mécanismes de l'offre
commerciale annoncés, on peut la clôturer ainsi :
Présent dans plus de 30 pays, RollerMe est leader sur
le marché des rollers en ligne.
Ces éléments, nullement indispensables à la
compréhension de l'opération, peuvent donc être
fournis à la fin. Ils précèderont par exemple
un call-to-action, invitant l'internaute à
commander en ligne.
2. La pyramide inversée : partout, (presque) tout le
temps
Que l'on se situe à un niveau macro-structurel
(arborescence, pages...) ou micro-structurel (paragraphes,
mots...), la pyramide inversée doit présider à
la conception de tout contenu Web. La preuve avec deux exemples
extrêmes : la structure d'un site et celles d'une phrase.
2.1 De la page d'accueil aux pages profondes
Une page
d'accueil bien construite est celle qui donne à voir
l'essentiel au premier coup d'œil (informations sur la
société, produits et contenus-phares,
actualités stratégiques...). Les liens qu'elle offre
permettent ensuite d'accéder à des informations plus
complètes, plus détaillées.
Selon le principe de la pyramide inversée, les
brèves accroches qui sont proposées sur une page
d'accueil doivent donc synthétiser... Le chapô
proposé normalement en tête des pages
intérieures. On privilégiera donc des accroches
à valeur synthétique plutôt qu'une simple
reprise des premiers mots du titre ou du chapô de la page
d'arrivée :
- Total offre un niveau de synthèse maximal en page
d'accueil
- Loupe pour zoomer sur l'image
-
Les micro-contenus proposés sur cette page d'accueil sont
particulièrement efficaces : ils résument le contenu
du texte accessible au clic.
Vu sur le site Total (Mars
2009).
Si on veut aller au bout du raisonnement, et comme dans
l'exemple ci-dessus, on a aussi tout intérêt à
fournir des informations particulièrement concrètes
dans ces micro-contenus d'appel. Plutôt que d'opter pour des
formulations incitatives de type "découvrez tous les
secrets" ou "gros plan sur un sujet au cœur de
l'actualité".
- Danoneetvous.com en dit peu et beaucoup dans ses micro-contenus
d'appel
- Loupe pour zoomer sur l'image
-
Le micro-contenu de gauche, sur l'eau minérale, se
révèle peu efficace : il ne dit rien de concret. Aux
contraires des deux à droite, sur Activia et Badoit.
Vu sur le site portail
relationnel de Danone (Mars 2009).
Un site web est, par essence, fondé sur le principe de la
pyramide inversée. Très générale, la
page d'accueil pointe vers des pages plus spécifiques. En
matière d'architecture de l'information, ce passage d'un
niveau très global à un niveau très
détaillé gagne à se faire progressivement. On
peut, par exemple, utiliser des pages-carrefour. C'est souvent le
cas sur les sites e-commerce.
- WelcomeOffice suit la maturité du besoin de ses
clients
- Loupe pour zoomer sur l'image
-
La progression dans ce site suit le principe de la pyramide
inversée : d'un niveau très global, présentant
toutes les catégories (en haut à gauche), on
accède à tous les produits d'une catégorie (en
haut à droite), puis à une
fiche-détaillée (en bas).
Vu sur le site site
e-commerce de Welcome Office (Mars 2009).
2.2 Du début à la fin d'une phrase
La pyramide inversée s'applique aussi à un point
de vue très micro-structurel : il convient aussi de
commencer chaque phrase par les termes essentiels. Toujours parce
qu'il survole les textes, l'internaute peut ainsi s'arrêter
dès qu'il a lu les premiers mots et passer à la
phrase ou au paragraphe suivant.
Placer les mots et infos-clés en début de
phrase : deux exemples
A éviter |
A faire plutôt |
A l'aube de son centenaire, Sœur Emmanuelle est
morte. |
Sœur Emmanuelle est morte à l'aube de son
centenaire. |
Ce mobile a tout pour plaire : Wi-Fi, 3G, appareil photo 3
mégapixels… |
Wi-Fi, 3G, appareil photo 3 mégapixels… Ce
mobile a tout pour plaire. |
D'une efficacité renversante dans la plupart des
contextes, la pyramide inversée se révèle
parfois difficile à mettre en œuvre, voire
inadaptée. On pense ainsi :
- à tous les contenus reposant sur un schéma
"exact" de type alphabétique : index, glossaire...
- aux contenus d'aide, qui donnent normalement à voir des
procédures dans l'ordre dans lequel elles doivent être
accomplis
- au storytelling : raconter une" histoire" pour installer un
territoire de communication (institutionnel, marque...) suppose de
s'appuyer sur un modèle narratif, et non descriptif. Par
essence, la narration, qui suit un déroulé
précis, est donc incompatible avec la pyramide
inversée.