On vit dans un monde où toute information appartient
elle-même à un système qui la dépasse.
Ensembles et sous-ensembles sont partout... Et heureusement
d'ailleurs. Car, comment s'y prendrait-on pour trouver un article
dans un supermarché s'il n'existait pas de rayonnage par
familles de produits ? Et pour se rendre dans un appartement si on
ne nous indiquait ni l'immeuble ni la rue ou la ville dans lequel
il se trouve ?
Aucune raison qu'un site échappe au besoin de structurer
l'information. Sur la toile, le challenge se révèle
d'ailleurs d'autant plus grand que la tentation est à un
clic. Si l'utilisateur ne s'y repère pas dans le
système d'organisation, s'il ne trouve pas rapidement une
réponse à son attente, il s'enfuira chez un
concurrent.
L'architecte de l'information doit mettre en œuvre un
système d'organisation qui a du sens pour les utilisateurs,
alors même que leurs besoins divergent autant que leurs
profils. Face à ce challenge, l'hypertexte et les
possibilités illimitées du Web offrent une
flexibilité à même de s'adapter aux
différentes typologies d'attentes.
Garantir la souplesse du système d'architecture de
l'information revient en fait à confronter plusieurs
schémas d'organisation. Parfaitement définis par
Peter Morville et Lou Rosenfeld dans Architecture de l'information pour
le Web, ces schémas sont soit dits exacts soit
qualifiés d'ambigus. Sur un site, ils gagnent à
être mis en œuvre de concert.
1. S'appuyer sur des schémas exacts, pour
répondre aux besoins précis
Quel est le point commun entre un lexique et une rubrique
Actualités qui présenterait les communiqués de
presse par date de parution ? Objectifs, leur mode d'organisation
ne souffre d'aucune ambigüité : ils sont régis
par l'alphabet dans le premier cas, par la chronologie dans le
second. On les appelle des schémas d'organisation
exacts.
- EADS présente classiquement ses communiqués de
presse par ordre anté-chronologique
-
La plupart des sites institutionnels donne à voir les
communiqués de presse dans l'ordre inverse de publication.
EADS n'échappe pas à règle et met en
œuvre ce schéma d'organisation exact dans sa rubrique
Presse. Un parti-pris judicieux puisqu'il correspond aux attentes
de la cible concernée : les journalistes suivent
l'actualité au fil du temps. Un choix qui convient en
revanche moins bien aux cibles qui effectuent une recherche selon
une thématique, comme les étudiants, par exemple.
Vu sur le site d'EADS en mars 2009.
Les schémas d'organisation exacts sont idéaux pour
les utilisateurs ayant un besoin précis en tête. Aussi
faciles à concevoir qu'à utiliser, ils permettent
à l'internaute de trouver aisément l'information
qu'il recherche, dès lors qu'il la connaît.
3 types de schémas d'organisation exacts sont
particulièrement fréquents :
- Le schéma d'organisation alphabétique : sur un
site, il se prête particulièrement aux lexiques et
glossaires. On le trouve également souvent dans les
intranets, par exemple avec les annuaires des collaborateurs d'une
société.
- Le schéma d'organisation chronologique : il convient
particulièrement aux actualités et communiqués
de presse, que l'on consulte suivant leur ordre inverse de
publication. Les modules d'archives exploitent également ce
modèle.
- Le schéma d'organisation géographique : on le
retrouve par exemple avec Google Maps et, plus
généralement, dès que l'accès à
l'information se fait via une carte interactive (localisation des
business units d'une société dans le monde, des
points de vente d'un distributeur...).
Les schémas d'organisation exacts ne peuvent en aucun cas
suffire à structurer un site ou même une offre. Et ce,
pour au moins 3 raisons évidentes :
- La plupart du temps, l'internaute ne sait pas vraiment ce qu'il
veut, il effectue une recherche exploratoire.
- Quand bien même l'utilisateur a un besoin en tête,
il ne sait pas toujours le formuler et aime être "pris par la
main".
- L'internaute peut très bien savoir ce qu'il souhaite
sans pour autant le trouver dans un schéma exact. Ainsi,
s'il cherche tous les communiqués de presse d'une
société en lien avec le développement durable,
il les trouvera difficilement si la rubrique n'est organisée
que chronologiquement.
Ce dernier exemple met en lumière la
nécessité de faire coïncider les schémas
exacts avec d'autres modèles d'organisation : les
schémas ambigus.
- Welcome Office confronte exactitude et ambiguité, pour
répondre à toutes les typologies de besoins
-
Sur sa page d'accueil, Welcome Office permet à
l'internaute de rechercher un produit par l'index
alphabétique, ou en cherchant dans chacune des
catégories de la navigation principale. Le premier
système convient parfaitement à l'internaute qui sait
très précisément ce qu'il veut : il est en
quête de cahier, il cliquera sur le C. Le second correspond
à un panel d'utilisateurs plus large : ceux qui attendent
que le site les accompagne. Ainsi, un internaute qui a besoin de
matériel informatique cliquera sur la rubrique Informatique
avant d'affiner son besoin au gré des catégories qui
lui sont proposées.
Vu sur le site de Welcome
Office en mars 2009.
2. Systématiser le schéma ambigu comme mode de
structuration principal
Par opposition aux schémas exacts, les schémas
ambigus reposent sur la subjectivité et sur des choix qui ne
se rapprochent d'aucune vérité
générale.
Dans un schéma ambigu, la classification s'opère
par ce qui lie horizontalement ou verticalement des informations
entre elles. Par exemple on va choisir de positionner dans la
rubrique habillement d'un site E-commerce à la fois des
manteaux, des chemises, des pantalons, des chaussettes... Y
inclura-t-on aussi les chaussures ou créera-t-on une
rubrique dédiée ? A l'architecte de l'information de
trancher, selon la connaissance qu'il a de ses internautes.
Par rapport à leurs confrères exacts, les
schémas d'organisation ambigus présentent au moins 2
avantages, qui les rendent indispensables sur le Web :
- Contrairement à ce qu'on serait tenté de croire,
un schéma ambigu est bien plus sensé qu'un
schéma exact : en effet, qu'ont en commun des
éléments regroupés via l'alphabet si ce n'est
qu'ils ne commencent par la même lettre ? Rien. A l'inverse,
le schéma ambigu fédère des informations que
la logique, les us ou les coutumes rapprochent.
- Un schéma ambigu est parfaitement adapté à
la recherche par association d'idées : l'utilisateur affine
bien souvent son besoin au gré de ses clics et "surfe" d'une
information à l'autre. Le tout, par ce qui les lie,
matériellement (via les liens hypertextes) et
intellectuellement (via le système d'organisation).
L'arborescence est l'exemple le plus
représentatif des schémas ambigus. Elle repose sur
des regroupements établis par l'architecte de l'information,
en son âme et conscience. Sa mise en œuvre suppose
d'étudier les profils d'utilisateurs. Et de réaliser
des tests avec eux, afin de s'assurer qu'ils se repèreront
dans ce système subjectif.
- L'Oréal joue à fond la carte de
l'ambiguité… Un pari risqué ?
-
Quand la subjectivité de l'architecte de l'information
impacte les choix de l'utilisateur sur un site… Sur son site
institutionnel, L'Oréal a choisi de placer les Achats
Responsables dans la rubrique consacrée aux
Fournisseurs… Alors qu'il existe pourtant une rubrique
Développement Durable. Dans tous les cas, ce type
d'informations n'aurait pu être rendu accessible via un
schéma exact. Mais l'architecte de l'information a-t-il fait
le bon choix en traitant de cette thématique dans la
rubrique Fournisseurs ? Il a choisi en tous cas !
Vu sur le site institutionnel de L'Oréal en mars 2009.
3. Faire coïncider des schémas ambigus de
différente nature
Les spécialistes de l'architecture de l'information
distinguent plusieurs typologies de schémas d'organisation
ambigus. Les 3 plus fréquents sont les schémas
d'organisation par sujet, par audience ou par tâche. Le
premier s'impose comme le plus fédérateur. Selon la
typologie de site et ses enjeux, il peut se combiner avec les 2
autres.
3.1 Privilégier une approche par sujet comme mode
d'organisation principal
La quasi-totalité des sites repose sur une arborescence
classant les informations par sujet. Intuitive, elle
nécessite un sacré travail de catégorisation
de tous les contenus à disposition. Pour être
efficace, ce schéma d'organisation doit regrouper, à
un même niveau de l'arborescence, des typologies de contenus
ou de thématiques de nature homogène. Sinon, gare aux
risques de confusion...
- Le Ministère de l'Education Nationale a mal pensé
son organisation par sujet
-
La manière dont Le Ministère de l'Education a
conçu les premiers niveaux de son arborescence est quelque
peu déroutante. On y trouve, logiquement, des rubriques
thématiques (l'école / le système
éducatif / la formation tout au long de la vie…), et,
de manière plus étonnante, une rubrique
articulée autour d'un format (outils de documentation,
d'information). Où l'utilisateur en quête d'une
brochure sur la formation tout au long de la vie doit-il chercher ?
Son hésitation témoignera des carences du
schéma d'organisation tel qu'il a été
conçu.
Vu sur le site Ministère de l'Education Nationale en
mars 2009.
3.2 Compléter l'arborescence d'une organisation par
tâche, sur les sites marchands notamment
En plus de l'arborescence principale, on peut miser sur un
schéma d'organisation par tâche.
Particulièrement approprié aux sites E-commerce, ce
mode de structuration gagne s'impose lorsque l'utilisateur a de
nombreux moyens d'interagir avec le site : créer un compte,
acheter, vendre, donner son avis... Un schéma d'organisation
par tâche existe rarement tout seul : il gagne à
coïncider avec une approche par sujet.
- 2xMoinsCher capitalise sur un double schéma
d'oganisation
-
Si l'arborescence du site 2xmoinscher.com est
déclinée par sujet, via les différentes
thématiques de son catalogue, elle est
complétée d'une organisation par tâche. Ainsi,
un intitulé Vendre est juxtaposé à toutes les
autres rubriques. Le changement de couleur aide l'utilisateur
à distinguer clairement cette section des autres. A noter
que toute la page d'accueil est également conçue
autour de la mise en perspective des approches par tâche et
par sujet. Un parti-pris idéal pour ce site qui place
l'internaute au cœur de son modèle.
Vu sur le site 2xmoinscher
en mars 2009.
3.3 Enrichir l'expérience-utilisateur, avec une approche
par audience sur les sites corporate, par exemple
Le schéma d'organisation par audience offre un
complément à l'arborescence particulièrement
adapté lorsqu'un site adresse des cibles aux attentes variées.
Comme c'est notamment le cas sur les sites corporate. Les
schémas d'organisation par audience peuvent être :
- Fermés : dans ce cas, une audience n'a accès
qu'aux contenus qui la concernent a priori.
- Ouverts : les audiences ont accès aux informations
destinées à toutes les autres, bien que certaines
leur soient particulièrement recommandées. Opter pour
un schéma ouvert réduit les risques de la
personnalisation excessive. Et d'enfermement de l'internaute dans
un profil-type alors que les utilisateurs sont bien plus complexes
que l'on pourrait le croire.
- Vivendi intègre un schéma d'organisation par
audience, mais le laisse ouvert
-
Sur le site institutionnel de Vivendi, l'internaute peut
choisir, en haut à gauche, son profil de navigation. Selon
le choix qu'il effectue, tous les contenus de la page changent. Un
moyen d'enrichir l'expérience-utilisateur, sans la
contraindre. En effet, en parallèle, l'utilisateur a tout
loisir d'utiliser la navigation transverse… Ou de voir ce
qu'il se passe du côté des autres profils.
Vu sur le site Vivendi (2009).
3.4 Eviter les écueils que peut générer la
confrontation de plusieurs schémas d'organisation
Mixer 2 ou plusieurs types de schémas d'organisation,
c'est bien... A condition d'éviter 2 écueils
fréquents :
- Le contenu dupliqué car il nuit au
référencement du site. En effet, non seulement 2
pages identiques deviennent concurrentes entre elles mais, en plus,
les liens entrants vers un contenu pourtant similaire sont
fractionnés. Chaque page doit donc disposer d'une et d'une
seule URL. On peut ensuite multiplier les accès à
chacune, via la navigation.
- Les structures hybrides qui mélangent au sein d'un
même système plusieurs schémas d'organisation.
Une tentation forte à laquelle il vaut mieux éviter
de succomber au risque de générer confusion et
hésitation chez l'utilisateur. C'est par exemple souvent le
cas quand un même niveau de l'arborescence est
constituée à la fois de rubriques organisées
par audience et d'autres par sujets.
- En misant sur une structure hybride par sujet et par audience,
Lafarge crée le trouble
-
Sur ce site institutionnel, plusieurs cibles sont
adressées tout spécifiquement : les journalistes, les
actionnaires, les candidats… Mais en faisant coïncider
ces rubriques avec d'autres, plus thématiques, Lafarge
génère des problèmes de recoupement. Par
exemple, si l'internaute cherche des informations sur la
gouvernance d'entreprise, où doit-il se rendre ? Dans groupe
? Dans actionnaires ?
Vu sur le site Lafarge en mars 2009.
Quelle que soit l'efficacité de la structure que
l'architecte de l'information aura choisie, il devra se
résoudre à ce qu'elle demeure imparfaite tant les
besoins des utilisateurs sont exponentiels. Voilà pourquoi,
en complément des systèmes d'organisation, il importe
de mettre en œuvre des systèmes de recherche, dont les
plus connus sont bien sûr les moteurs de recherche interne.
Ils permettent à l'internaute d'exprimer leur besoin aussi
précisément qu'il le peut.